L'approvisionnement
en eau est un élément essentiel de la ferme aquacole d'eau douce ou salée.
L'évaluation des
besoins en eau par rapport à un objectif de production, la connaissance du
potentiel en eau naturelle, la coût de la valorisation de ce potentiel :
pompage, recyclage, chauffage, etc… autant de démarches, que l'entrepreneur
aura à effectuer s'il veut minimiser les risques et optimiser la rentabilité de
son affaire.
L'eau est nécessaire
comme :
1.
Milieu d'élevage: un volume d'eau
minimum doit être conservé pour permettre la vie des animaux. L'évaporation,
les infiltrations tendent à réduire ce volume.
2.
Transporteur d'oxygène : les animaux
utilisent de l'oxygène dissous, celui-ci est emprunté au milieu
extérieur, ou produit dans l'élevage à partir d'oxygène de l'air ou d'oxygène
industriel.
3.
Transporteur de résidus alimentaires ou de
produits du métabolisme : ces déchets sont évacués dans le milieu extérieur ou
détruits à l'intérieur de l'élevage (épuration).
4.
Transporteur de calories: pour éviter
l'échauffement des bassins, le maintien d'un débit d'eau important peut être
requis (cas de certains étangs tropicaux). En écloserie, ou recherche au
contraire à limiter le débit d'apport pour éviter les dépenses d'énergie liées
au refroidissement (stockage de géniteurs) ou au chauffage (incubation et
alevinage).
On constate ainsi que
seule la fonction № 1: l'apport d'eau pour compenser les pertes, nécessite
toujours une source d'eau naturelle (fig. 1).
Les fonctions
d'oxygénation, d'épuration, de thermorégulation peuvent toutes s'effectuer à
l'INTERIEUR de l'élevage, sans appel au milieu naturel (fig. 2):
- soit par équilibre biologique dans
l'élevage, c'est le cas d'un ETANG,
- soit par une machinerie, qui assure ces
fonctions : c'est le cas d'une ECLOSERIE en CIRCUIT FERME.
Signalons enfin que
l'eau peut être un transporteur de nourriture. Dans les élevage de bivalves,
par exemple, cette fonction peut être déterminante pour la détermination de
besoins en eau.
L'évaluation du
potentiel en eau
d'un site aquacole dépend donc :
- des capacités du site à remplir une ou
plusieurs des fonctions décrites ci-dessus,
- du niveau d'investissement et du coût de
fonctionnement, en matériel de traitement d'eau, compatibles avec la
rentabilité de l'affaire.
L'analyse de ce
potentiel en eau
suppose donc que l'on connaisse les cycles de production (en fonction du
marché) qui peut être envisagé.
De ces cycles de
production découleront un certain nombre de valeurs de stocks à maintenir, ce
sont elles qui détermineront les besoins en eau à satisfaire. On déduit ainsi,
pour un site donné, le degré de mécanisation (d'investissement) à assurer pou
le poste “EAU”
Les besoins en eau varient
considérablement avec le mode de nourissage et par conséquent avec la
croissance des animaux.
Sachant que les
fonctions 1 et 2 (maintien du volume, fourniture d'oxygène sont nettement moins
coûteuses à mécaniser que les fonctions 3 et 4 (transport des résidus,
thermorégulation) on aura intérêt à étudier des cycles de production avec
différentes stratégies de nourrissage.
EXEMPLE:
|
Le
point de blocage d'un système d'élevage pour sa rentabilité est l'oxygène
disponible en été (soit du fait du débit limité ou de la température élevée,
ou encore du fait des deux facteurs conjugués).
|
Solution
1
-
|
Vente
du stock avant l'été (pas d'investissement supplémentaire)
|
Solution
2
-
|
Oxygénation
+ nourrissage à la ration minimale (maintien en poids du stock, sans
croissance).
Cette solution permet de maximaliser le stock conservé pendant l'été, (en vue
d'une vente à des cours intéressants en automne par exemple). L'aliment n'est
pas rentabilisé au niveau de l'indice de transformation (gain de poids nul).
|
Solution
3
-
|
Oxygénation
+ nourrissage à un taux supérieur à la ration minimale, donnant lieu à la croissance
du stock.
Cette solution obilge à réduire le stock (consommation d'oxygène, autopollution),
mais permet d'amener les animaux à la taille recherchée. Elle rentabilise
mieux le poste aliment que la solution précédente.
|
Solution
4
-
|
Oxygénation
+ épuration de l'eau + nourrissage
Le stockage est maximum et la croissance est maintenue. Cette solution, très
coûteuse en investissement, reste possible sur de petites unités et sur un
poste particulier de l'élevage (écloserie, stockage de géniteurs).
|
Le maintien du volume
d'élevage suppose le maintien d'un débit compensant les pertes naturelles
(évaporation et infiltration) et volontaires : renouvellements d'eau dus aux
traitements sanitaires, aux nettoyages des installations, etc…
Le choix des
structures (bassins en terre, en béton), la possibilité de couverture, les
facilités d'isolement hydraulique des différentes parties de l'installation,
influeront sur les besoins.
Les valeurs à
affecter à ces différents types de pertes sont à collecter sur place pour
chaque site : elles dépendent en effet des caractéristiques climatiques et
pédologiques locales (température, hygrométrie, couleur des eaux, perméabilité,
etc…)
En tant que
transporteur d'oxygène, nous aurons à déterminer deux paramètre de l'eau de
l'élevage :
- La quantité d'oxygène qu'il sera
nécessaire d'introduire dans l'eau pour satisfaire les besoins des animaux, (et
éventuellement l'oxydation des déchets). en terme de flux de gaz (Kg d'oxygène
par heure),
- la teneur en oxygène à maintenir
pour le confort des animaux (seuil en dessous duquel la croissance, l'indice de
transformation, la reproduction sont perturbés), il s'agit alors d'une
concentration (gramme d'oxygène par mètre cube d'eau).
Ces deux paramètres
varient avec l'espèce, la taille, la température, l'alimentation et l'activité
des animaux. Leur calcul va servir à dimensionner l'ensemble du système
d'oxygénation, qui comporte :
- l'eau d'apport
- les dispositifs et machines de production
d'oxygène dissous.
A un instant donné,
le système d'oxygénation de l'élevage aura une capacité maximale
d'oxygénation fixe, correspondant aux investissements que l'on aura jugé
utile de faire pour le poste “oxygène”.
Face à cette capacité
fixe on aura une demande en oxygène variable du fait de l'alimentation
et d l'activité des animaux, des teneurs en oxygène à maintenir variables
suivant les bassins du fait des différences de tailles des animaux.
Le dimensionnement du
dispositif d'oxygénation se fera donc généralement à partir de la connaissance
:
- de la moyenne sur 24 H, de la demande en
oxygène,
- des bassins instantanés maximum liés au
nourrissage.
On admet que la
capacité d'oxygénation du système doit couvrir la totalité des besoins moyens,
et dans une proportion moindre les besoins instantanés maximum (ce qui implique
qu'on admet des baisses de la teneur en oxygène dans les bassins).
En effet, le coût des
installations nécessaires pour couvrir la totalité des besoins en oxygène,
représente souvent un investissement non rentable et n'est pas justifié par une
amélioration significative des résultats d'élevage (mortalités, indice de
transformation, croissance).
Besoins moyens: Annexes I
La plupart des
modèles de calculs se basent sur la taille des animaux et la température de
l'eau pour évaluer la demande moyenne en oxygène.
Comme ces deux
paramètres servent également à déterminer la ration alimentaire, il est
possible, dans un élevage nourri, d'évaluer la quantité d'oxygène à fournir à
partir de la quantité d'aliment distribué.
Ainsi pour un aliment
type “Truite” (40 % de protéines) on constate qu'il faut 300 g d'oxygène dissous par
kilo d'aliment.
Besoins instantanés
Le mode de
nourrissage est souvent déterminant sur les fluctuations journalières de la
demande en oxygène. (fig. 3)
La comparaison de la
concentration d'oxygène des bassins suivant que le nourrissage a été fait
manuellement, en libre service, rationné ou non, met en évidence le phénomène
(FAURE, 1983) fig. 4).
La conception du
planning de nourrissage est donc à faire en concordance avec le dispositif
d'oxygénation.
Contrairement aux
élevages terrestres, les déchets de nourriture et les déjections des animaux ne
sont pas captables à l'émission dans un élevage aquatique.
Ces déchets sont
immédiatement dilués dans le milieu et peuvent donc, s'ils ne sont pas éliminés
s'y accumuler et perturber les animaux.
Eliminer les déchets
suppose un déchets suppose un débit d'eau évacuant ceux-ci à l'extérieur,
combiné ou non à des dispositifs d'épuration.
Les besoins en eau et
l'importance des dispositifs d'épuration vont dépendre de la teneur en
polluants qui peut être considérés comme admissible dans l'exploitation, en
terme de mortalités, d'indice de transformation et de croissance.
Comme pour l'oxygène
un premier dimensionnement pourra être établi à partir de la composition
moyenne du rejet des bassins sur 24 h., dimensionnement qui pourra être affiné
à partir de la connaissance des fluctuations journalières et des valeurs
maximales de pollution.
Les expériences
menées en trutticulture montrent qu'il est acceptable et plus simple de
calculer la pollution à partir des quantités d'aliments déversés dans les
bassins.
A titre indicatif,
voici les valeurs obtenues avec de l'aliment type “truite” (aliment sec, 40 –
45 % de protéines) d'après FAURE (1983)
AMMONIAC : (NH3 + NH4) = 0,03
A × Ks.
Ks, facteur compris
entre 1 et 2 lorsque l'on dépasse 1 mg/1 d'ammoniac dans l'eau. Ks est un
facteur prenant en compte le fait que la présence d'ammoniac au dessus de 1
mg/1 entraîne augmentation de la production d'ammoniac par Kg de truites.
Calcul de Ks ou
coefficient de stress : ce coefficient est calculé à partir du nombre de
réutilisation de l'eau.
Ks = 0,875 + 0,125 N
N, nombre de
réutilisation de l'eau après désoxygénation.
La quantité de
matières solides émises varie fortement avec l'indice de conversion de
l'aliment.
DCO = 3,7 DBO5
Pour l'évaluation des
redevances à la pollution le calcul est fait à raison de :
PHOSPHATES PO4 = 0,014 A
PT (phosphate total) = 0,025
A
Note : Ces résultats
diffèrent sensiblement de ceux obtenus auparavant aux U.S.A. KRAMER, CHIN and
MAYO, 1972).
Ces relations sont
valables pour des animaux nourris avec rationnement.
Les cas des animaux
en période de jeûne, et des animaux soumis à une suralimentation devra être
traité séparément.
Ainsi l'excrétion
azotée est 3 fois plus élevée pour un poisson après alimentation, que pour un
poisson à jeun. (KAUSHIK, 1980) fig. 5 – 6.
La température de
l'eau est toujours un facteur coûteux à maîtriser.
Le contrôle de la
température se limite généralement à l'eau alimentant l'écloserie avec trois
circuits distincts :
1.
Les bassins de stockage des géniteurs(à refroidir)
Cette
pratique de développe en salmoniculture pour les reproducteurs soumis à un
conditionnement photopériodique destiné à obtenir des pontes d'été.
Le
stockage des géniteurs de turbots, daurades et loups pose des problèmes
similaires (perturbation de la maturation des gamètes à températures excédant
10 – 15° C suivant les espèces).
2.
Les écloseries, c'est à dire les
installations recevant les oeufs et les alevins, AVANT nourrissage. Le
chauffage ou le refroidissement peuvent être recherchés.
3.
Les stations d'alevinage avec nourrissage, où
l'on recherche une accélération de la croissance par chauffage de l'eau.
Le
contrôle de la température est atteint avec des conditions économiques
acceptables dans le cas des eaux réchauffées de centrales. Lorsque le
traitement thermique s'effectue dans l'exploitation piscicole, un recyclage
intensif des calories ou des frigories est nécessaire, ce qui implique des
dispositifs d'épuration coûteux, soit pour regénérer la qualité de l'eau
d'élevage (recyclage), soit pour protéger les échangeurs de l'encrassement par
les salissures de l'élevage (cas des échangeurs entrée-sortie).
La conception du
chauffage de l'eau doit en outre prendre en compte les problèmes de stress
thermique, et de sursaturation en gaz.
L'évaluation des
quantités d'oxygène et de calories à fournir, et de la quantité déchets à
évacuer, permet de déterminer les débits d'eau requis, et la machinerie à
acquérir et donc d'avoir un ordre de grandeur de l'investissement.
Le choix du site et
du matériel suppose la connaissance précise des caractéristiques
physico-chimiques que l'on souhaite voir maintenues au niveau de l'eau des
bassins.
Les paramètres
mesurables ou calculables avec des moyens relativement simple sont au nombre de
10 : la température, l'oxygène, l'ammoniaque, les nitrites, les nitrates , le
pH, le gaz carbonique, l'alcalinité), (la dureté), les matières en suspension
et la matière organique. Pour les eaux salées, il s'y ajoute la salinité.
D'autres paramètres
sont à contrôler lors de l'évaluation du site : polluants de toute nature,
métaux lourds, etc…
Les dix paramètres
cités précédemment sont ceux qui intéressent tous les aquaculteurs en routine.
Si l'on est amené à
fournir mécaniquement une quantité déterminée d'oxygène (Kg/H), le coût du Kg
d'oxygène fourni sera d'autant plus élevé que la teneur en oxygène dans les
bassins sera élevée.
Ceci tient au
rendement décroissant des appareils d'aération, lorsque la concentration en
oxygène dissous s'élève (voir plus loin).
En terme de rendement
énergétique de l'appareillage, on a donc intérêt à choisir la valeur la plus
basse possible.
Mais d'autres
critères interviennent et l'on peut résumer les critères de choix de la manière
suivante (fig 7).
- seuil de résistance:
ex : 2,5 – 3,0 mg/1 pour la truite
1,0 – 2,0 mg/1 pour le bar
Des mortalités
importantes sont constatées à ces teneurs. Elles sont en principe incompatible
avec l'élevage.
Elles représentent
les valeurs minimales qui peuvent être tolérées sur des périodes transitoires
(post alimentation par exemple).
- seuil de dépendance physiologique :
ex : 5,0 – 5,5 mg/1 pour la truite
3,0 – 4,0 mg/1 pour le bar
Des teneurs
inférieures à ce seuil entraînent une diminution de croissance et une
augmentation de l'indice transformation. L'animal réduit sa consommation
d'oxygène.
Le maintien de telle
teneur ne permet généralement pas un nourrissage important. Seul le coût très
élevé de l'oxygénation peut conduire à conclure qu'il est plus rentable de
travailler à des teneurs en oxygène dissous, inférieures à ce seuil.
- seuil de dépendance alimentaire:
ex
: truitelles : 8,0 mg/1
Il existe peu
d'expérience ayant permis de fixer ce seuil pour différentes espèces.
Il semble que lorsque
l'on nourrit abondamment les animaux, soit plus de 60 % de la quantité maximale
qu'ils auraient pu ingérer, on soit amené à relever la teneur en oxygène
dissous des bassins si l'on veut éviter une baisse de l'efficacité alimentaire
(augmentation de l'indice de transformation).
On détermine ainsi
qu'il existe un optimum économique entre les dépenses d'aliment, qui augmentent
lorsque le taux d'oxygène baisse, et les dépenses d'électricité liées à
l'aération, qui augmentent lorsque le taux d'oxygène augmente.
Le contrôle de
l'oxygène dissous se fait par dosage ou plus facilement à l'aide de sonde (600
à 1 200 $).
La température
intervient dans tous les processus physiologiques : la croissance, les besoins
alimentaires, la consommation d'oxygène augmentent avec la température.
Pour chaque espèce,
il existe une température optimale.
Le chauffage ou le
refroidissement visent à rétablir cette température. il s'agit en général
d'aboutir à un contrôle de la vitesse de croissance des juvéniles ou encore à
obtenir la maturation des géniteurs.
Une autre
circonstance où intervient la prise en compte de la température est lors du
transfert des animaux avec changement de température.
En règle générale, le
choc thermique sera bien supporté si l'on reste dans la plage de température
encadrant la température optimale.
Pour les températures
extrêmes, les temps d'acclimatation seront d'autant plus longs que l'on
s'éloigne de la température optimale (fig. 8).
L'ammoniaque (NH4
OH) se présente dans l'eau sous forme d'ion ammonium (NH4 +) ou de
gaz dissous (NH3).
Le suivi en élevage
se fait à l'aide d'analyses basées sur des réactions colorimétriques dont la
mesure est faite, à l'oeil pour les “trousses” (70 à 100 $), ou avec un
colorimètre ou un spectrophotomètre (1 000 à 1 500 $).
La mesure effectuée
donne une valeur exprimée en poids d'azote, ou en poids d'ammoniaque (la
confrontation avec les valeurs seuils admises en élevage doit se faire en
concordance avec le mode d'expression du résultat).
Cette valeur est
toujours la sommation de l'ammoniac gazeux et de l'ion ammonium.
Pour la conduite de
l'élevage, nous utiliserons :
1.
La valeur ammoniac (NH3) +
ion ammonium (NH4 +) comme indicateur général de pollution et
de bon fonctionnement de l'élimination des déchets.
Des
bassins correctement drainés ou épurés auront une eau qui oscille entre 0,5 et
2,5 mg/1 de (NH3 + NH 4 +).
La
sensibilité des poissons eux-mêmes varie suivant l'espèce et les résultats sont
très différents selon que les tests ont lieu en laboratoire avec l'ammoniaque
seule ou en bassins avec un environnement complexe (MES, CO2, etc…
).
Ainsi
la truite présenterait un état de stress dès 1 mg/l; alors que l'anguille
serait peu sensible à l'ammoniaque.
2.
La valeur en ammoniac non ionisé (NH3)
Sa
toxicité est notoire pour à peu près toutes les espèces.
Les
seuils sont de l'ordre de 2,10-3 mg/l à 5,10 -2 mg/l suivant la
taille des animaux et les espèces. (tableau) HAYWOOD G.P. (1983) a fait une
synthèse des seuils à prendre en compte.
La
valeur d'ammouniac dissous (NH3) s'obtient par calcul à partir des
valeurs de température, de pH et d'ammoniaque total (fig. 9).
Suite
à une intoxication à l'ammoniaque, il est souhaitable pour une bonne
récupération des animaux en eau fraîche de porter la température à 10° C au
moins, et d'assurer une bonne oxygénation.
Les nitrites sont
toxiques en eau douce à des doses de 0,015 à 0,2 mg/1.
Comme pour
l'ammoniaque, la dissociation de deux espèces chimiques est à prendre en
compte.
L'ion nitreux No2
- (mesuré en poids de l'azote ou en poids de No2) et l'acide nitreux
(H No2) sont présents, mais dans la gamme de pH intéressant les
élevages de poissons seul NO2 l'est en proportion significative.
La toxicité de NO2
diminue lorsque le pH augmente (à l'inverse de H No2). Elle diminue
aussi avec la salinité (présence de chlorure) d'où son importance moindre en
eau de mer.
Les nitrates ne sont
pas toxiques. Ils servent d'indicateurs pour le fonctionnement des systèmes
d'épuration à base de filtre biologique. Les renouvellements minimum
obligatoires limitent leur accumulation des valeurs de 50 – 150 mg/l.
La chevrette (Macrobrachium
rosenbergii) serait incommodée à partir de 175 mg/l.
Les équilibres
calco-carboniques sont très importants en milieu aquatique. Le pH est
déterminant pour la toxicité de l'ammoniaque, des nitrites et du CO2.
Pour suivre
l'évolution de ces facteurs les mesures simples dont dispose l'éleveur de
poissons sont les suivantes :
- mesure du pH (par colorimétrie ou à l'aide
de sonde, (coût 200 $).
- mesure de la dureté (colorimétrie)
La concentration de
gaz carbonique peut être alors calculée de façon simple (fig. 10) en admettant
que l'on n'a que des bicarbonates (et pas de carbonates) ce qui est justifié
jusqu'à pH 8,3.
La concentration de
gaz carbonique ainsi calculée est celle que l'on aurait à l'équilibre, elle
peut être supérieure si l'aération (stripping du CO2 agressif) est
insuffisante.
Le CO2 se
comportant comme un acide, il influe sur le pH (fig. 11). Sa toxicité dépend
étroitement du pH.
En pratique, on
tiendra compte ainsi,
1) de l'accumulation
de CO2 en milieu confiné (cuve de transport par exemple). Dans ce
cas, l'aération peut être suffisante pour l'oxygénation, mais insuffisante pour
éliminer le CO2.
On a alors
accumulation de CO2 et diminution du pH. La toxicité du CO2
commence dès 9 – 10 mg/l à pH 5. (contre 20 mg/l à 6,0 et 100 mg/l au dessus de
pH 7,0) Ce phénomène est lié à la respiration des poissons (44 g de CO2 produit
pour 32 g
d'oxygène consommé), et des plantes (la nuit essentiellement).
2) des remontées
brutales de pH qui peuvent entraîner des intoxications à l'ammoniac, et qui se
produisent lors des mises en route d'installation d'aération, ou du fait de la
présence de plantes qui consomment le CO2 (photosynthèse le jour).
(fig. 12)
La présence de MES
peut être liée aux apports amont (sable) ou à une production in situ dans
l'élevage.
Une bonne gestion de
l'alimentation réduit considérablement les MES. (FAURE, 1983).
Leur toxicité directe
est généralement, faible, par contre, ils induisent des problèmes
pathologiques, tels que les attaques des branchies des alevins par
myxobactéries.
Ils influent sur
l'élevage de différente manières :
- si l'eau est trouble, la prise de
nourriture peut être affectée, ce qui réduit l'efficacité alimentaire et
accroit la pollution.
- Ils peuvent donner lieu à l'apparition
d'algues microscopiques donnant une saveur désagréable à chair du poisson.
- Ils perturbent le fonctionnement des
filtres biologiques destinés à la nitrification. En effet, aux particules
carbonnées qui les composent sont associées des espèces bactériennes dominantes
par rapport aux bactéries assurant la nitrification.
- enfin ils polluent l'environnement à la
sortie des élevages
Pour toutes ces
raisons, l'équipement en ouvrage de piégeage des MES est souvent nécessare.
L'essentiel des
aménagements a été par diapositives. Nous ne reprendrons donc pas dans cet
exposé l'étude cas par cas du matériel, ce qui demanderait un temps dépassant
le cadre imparti.
Nous étudierons les
principes mis en oeuvre, en vue de proposer une méthode de choix basée sur les
objectifs d'élevage, exposés précédemment, et les performances du matériel.
Les techniques en
cause sont:
1.
L'équipement de la prise d'eau : on se
reportera à l'annexe 2
2.
L'aération et l'oxygénation
3.
L'épuration de l'eau
4.
la stérilisation de l'eau.
Ces techniques
concernent :
- tous les élevages (1).
- le grossissement du poisson en bassins, et
à moindre degré en cages (2),
- les écloseries et stations de production
des juvéniles (2) (3) (4).
3.1 L'AERATION ET L'OXYGENATION :
Nous réserverons le
terme “Aération” aux procédés utilisant l'air, et le terme “Oxygénation” aux
appareils utilisant l'oxygène industriel.
L'aération est un
poste énergétique important en élevage intensif : 13 – 15 % pour grossissement
de truites en bassin, 23 % dans une station d'alevinage (ALAVOINE - 1981).
Le coût et
l'importance que devra lui accorder l'exploitant varieront d'un pays à l'autre
suivant la législation fixant la prix de l'énergie.
ex. : En France,
l'aération des bassins de grossissement n'est pas un facteur économique
déterminant : le prix du Kw/h d'été est faible. Inversement, l'implantation
d'une écloserie fonctionnant l'hiver devra être étudié : le prix du Kw/h
d'hiver est en effet élevé.
L'objectif de
l'aération est de faire passer de l'oxygène gazeux contenu dans l'air à l'état
dissous, seule forme utilisable par la plupart des poissons.
L'utilisation de
l'air comporte un avantage important : il est gratuit
A cet avantage,
s'associent deux inconvénients :
- L'air ne contient que 21 % d'oxygène,
- L'air contient 78 % d'azote.
En conséquence,
l'appareil devra être efficace, puisqu'il travaille avec un gaz pauvre en
oxygène, mais pas “trop efficace”, car il peut alors dissoudre une quantité
importante d'azote. La quantité de gaz dissous est alors telle que l'on a
“sursaturation”. c'est à dire que la pression des gaz dissous est supérieure à
celle du gaz au contact de l'eau, entrainant des phénomènes d'embolie gazeuse
dans le cheptel.
La dissolution
d'oxygène résulte d'un ensemble de phénomènes, dont chacun d'eux est utilisé de
façon plus ou moins importante suivant les procédés (fig. 13).
1) “Enrichissement”
de l'air à l'aide d'oxygène industriel,
2) agitation
de l'interface gaz-liquide: en effet, il existe un “film” s'opposant au passage
des gaz dont l'épaisseur diminue avec l'agitation.
3) temps de
contact gaz-liquide: plus les bulles resteront longtemps dans l'eau ou les
gouttelettes d'eau dans l'air, plus l'oxygénation sera importante.
4) Surface de
contact gaz-liquide: plus les bulles ou les gouttelettes seront petites,
plus l'efficacité du dispositif sera grande.
5) Pression du
mélange diphasique: le fait de préssuriser le mélange d'eau et d'air
augmente les échanges (attention aux sursaturations).
6) Renouvellement
de l'eau dans le volume de travail de l'aération: plus le renouvellement
sera important plus le rapport Kg d'o2 dissout produit/Kw/h dépensé
sera important, mais dans le même temps le rapport Kg d'O2 dissous/m3 d'eau
(concentration) diminue. La prise en compte de ce facteur a lieu lors de
l'utilisation de l'appareil et dépend donc de l'installation réalisée par
l'éleveur.
L'annexe 3 donne
l'expression mathématique de ces phénomènes.
La détermination du
résultat obtenu en bassins pour un procédé donné dépend de nombreux facteurs,
nous proposons ci-dessous un système d'évaluation simplifié, qui, à notre avis
suffit souvent en aquaculture.
L'aquaculteur devra
se procurer ou déterminer:
- auprès du constructeur de l'appareil
ou du concepteur du procédé deux caractéristiques générales: l'apport
spécifique brut (ASB) et la capacité d'oxygénation standard (COS). La première
caractéristique s'exprime en kg d'O2/H
- La température et la salinité de l'eau à
aérer,
- une table de saturation en oxygène, en
fonction de la température et de la salinité,
- la concentration en oxygène de l'eau avant
aération,
- la concentration en oxygène de l'eau après
aération,
- le débit à traiter et la demande en O2
du stock.
Conduite du calcul:
1) Calcul du
facteur de correction de performances
Les performances
annexées par le constructeur ayant été établies en conditions standard, il faut
les corriger pour les adapter aux conditions d'élevage.
F, facteur de
correction
Cs, saturation de
l'eau en oxygène dans les conditions de température et salinité (utiliser la
table)
C, concentration en O2
de l'eau avant l'aérateur.
2) Apport de
l'appareil
CO = COS × F
CO, capacité
d'oxygénation en Kg d'O2/H
COS, donnée
constructeur
Rendement de
l'appareil
R = ASB × F
R = rendement en Kg
d'O2 dissous/KWK
ASB = donnée
constructeur
3) Exemple
Données: - Bassins contenant
6 T de Turbots à 18° C
- Demande en Oxygène du turbot: 180 g/T/H à
cette température (JONES, 1981)
- Débit d'eau: 225 m3/H, oxygène entrée: 2
mg/1
- Concentration d'oxygène désirée: 3 mg/1 en
sortie de bassin
- Saturation en oxygène à 18° et 35 0/00 de
salinité: 7,66/1 (R.F. WEISS, 1970).
Appareil: aération par bulles
et air lift combiné. Les turbots ayant un comportement de fond, ce type
d'aérateurs à l'intérêt de mettre l'eau en circulation verticale et en surface.
COS = 1,5 Kg/H
ASB = 0,4 Kg/KWH
Note: La concentration C
avant l'aérateur, dépend de la teneur de l'eau d'entrée du bassin et de la
teneur dans le bassin. Il conviendrait de la déterminer exactement si la
concentration d'entrée et la concentration en bassin étaient très différentes.
Elle est ici assimilée à la concentration d'entrée du bassin.
- Co = COS × F
= 1,5 × 0,7 = 1,05Kg O2/H
- R = ASB × F
= 0,4 × 0,7 = 0,28 Kg
O2/KWH
- Nombre d'appareil (n)
- Oxygène nécessaire au poisson: 6 T × 180
g/H = 1080 g/H
- Rétablissement de la teneur en bassin: 225
× (3 -2 ) = 225 g/H
- Total à fournir DO = 1,305 Kg/H
On devra implanter
deux appareils fonctionnant périodiquement ou chercher des appareils plus
petits:
- Puissance consommée:
Remarques importantes:
L'application du
facteur de correction montre que plus on relève la teneur en oxygène dissous;
(pour une fourniture d'oxygène donné en terme de Kg/H) plus la puissance à
fournir augmente.
Il en est de même si
la concentration à saturation diminue, c'est à dire si la température augmente.
C'est ce qui explique
l'inefficacité des aérateurs à haute température et l'utilité dans ce cas
d'utiliser l'oxygène pur.
On trouvera en
Annexes les éléments caractérisant la matériel d'aération et d'oxygénation.
Annexe 4
L'épuration de l'eau
se pratique essentiellement en écloserie.
Les procédés mis en
oeuvre sont:
- La décantation,
- la filtration,
- la nitrification sur support,
- l'écumage.
A un niveau
expérimental, il existe des procédés utilisant:
- L'échange d'ions (sur réolithes)
- les cultures hydroponiques
- la flottation
- la dénitrfication.
Nous n'en parlerons
pas ici.
La décantation:
C'est l'élimination
des particules solides par captage et dépôt sur un support. C'est un procédé
relativement simple et peu coûteux.
Les déchets issus
d'un élevage aquacole seront d'autant plus difficiles à capter qu'ils auront
séjourné longtemps dans les bassins et les systèmes d'évacuation de l'eau
(FAURE, 1984)
La conception des
bassins et de l'hydraulique est donc déterminante.
Le rendement étant
généralement faible (40% environ), il faudra admettre une certaine pollution ou
disposer d'autres procédés en sortie de décanteur.
On se reportera à
l'Annexe 5, pour la description des principaux procédés de décantation.
La filtration
biologique
Sous le terme de
filtration biologique on désigne des procédés utilisant la propriété de
certaines souches de bactéries de transformer certains polluants.
En aquaculture, c'est
la transformation de l'ammoniac toxique en nitrates qui est visée. Il y a en
même temps développement de matières vivantes (bactéries).
Il s'agit d'éliminer
une pollution solubilisée pour la transformer en matières vivantes
particulaires.
Les conséquences pour
l'élevage sont:
- des difficultés importantes pour traiter
les animaux en cas de maladie, la plupart des produits de traitement étant
toxiques pour les bactéries épuratrices.
- une maintenance assez lourde, le
développement du film bactérien sur le support implique des lavages si
l'on veut garder son efficacité et éviter l'apparition de processus anaérobie
dangereux pour les poissons. Le pH doit être contrôlé et maintenu
au-dessus de 6,8 (chaulage).
Le gain retiré de la
mise en place d'un tel système doit donc être conséquent:
- Gain important en énergie (chauffage,
refroidissement) grâce au recyclage que permet la filtration.
- gain important des résultats d'élevage
(croissance, maîtrise du cycle reproducteur…)
Les coûts liés au
système, en dehors de l'investissement proviennent de:
- la circulation forcée de l'eau, nécessitant
la plupart du temps un pompage.
- la fourniture d'oxygène : 5 g d'oxygène par gramme
d'azote ammoniacal éliminé.
- du lavage, nécessitant la plupart du temps
de l'eau et de l'air comprimé sous pression.
LES PROCEDES: (Annexe 6)
- Les boues activées: il n'y a pas de
support, les bactéries épuratrices se développent sur les déchets maintenus en
suspension par l'aération. Ce procédé est inadapté aux effluents très dilués de
l'aquaculture. Il est parfois utilisé en carpiculture ou anguillicuture.
- Les disques biologiques: Ils ne
nécessitent pas de lavage. Leur efficacité conduit, soit à des installations
volumineuses et coûteuses, soit des qualités d'eau médiocre.
Le
principe consiste à immerger périodiquement le support et le film bactérien.
L'oxygénation se fait lors de l'émersion.
- Les filtres à supports immergés: Il
en existe de nombreux types. Les plus efficaces et les plus compacts sont ceux
utilisant des matériaux performants mis au point pour la nitrification des eaux
de rivière en vue de leur potabilisation. Ils offrent l'avantage important
d'une filtration mécanique.
En dehors de
performances annoncées (Kg N-ammoniacal éliminé par 24h. et par m3 de matériau) on
s'efforcera de déterminer:
- les qualités d'eau exigées à l'entrée: le
prétraitement peut être plus coûteux que le filtre lui-même.
- les pressions nécessaires en fin de cycle
(avant lavage)
- la qualité des répartitions d'eau à
l'entrée et en sortie: une mauvaise répartition de l'eau rend le filtre
inefficace (court circuit hydraulique de la masse filtrante)
- la complexité et l'efficacité du système.
On s'assurera:
- que l'oxygène en sortie d'élevage est
suffisant pour l'oxydation de l'ammoniac (5 g O2/g N - NH4), sinon
il faudra recirculer l'eau sur le filtre ou aérer dans le filtre.
- que l'eau est débarassée avant le filtre
des MES et de la MO, sinon la nitrification n'aura pas lieu.
L'ECUMAGE: (voir Annexe 6)
Cette technique
consiste à provoquer l'apparition d'une mousse, qui est riche en composés
azotés et qui peut contenir une quantité notable de particules.
Cette mousse se forme
spontanément en eau de mer au niveau des aérateurs.
La mise en oeuvre
consiste donc à établir un bullage à l'intérieur d'une cheminée. La mousse est
évacuée en haut de la cheminée.
Des appareils qu
commerce existent, l'installation comporte comme unique réglage la hauteur de
la cheminée au dessus du plan d'eau:
- trop haute, les mousse ont du mal à
s'évacuer et l'épuration n'a pas lieu,
- trop basse, les mousses très hydratées du
bas de la colonne sont évacuées et la perte d'eau devient excessive.
L'application de ce
procédé à l'aquaculture a été étudiè par DIVANACH, (1978).
L'utilisation
d'appareil de stérilisation des eaux est réservée aux écloseries.
La stérilisation de
l'eau d'apport par le chlore est également pratiquée en écloserie; la
neutralisation est faite par le sulfite avant utilisation.
La mise en oeuvre de
la stérilisation suppose la connaissance des germes que l'on veut détruire. En
effet, l'intensité germicide à appliquer diffère suivant les germes: un virus
tel que la S.H.V. en salmoniculture est détruit par de faibles densités
germicides, tandis que le virus de l'I.P.N. demandera des intensités
considérables, qui en pratique ne pourront jamais être atteintes, (MAISSE et
coll., 1980) (fig. 14)
HOFFMAN (1974) de ROSENTHAL
(1981) ont fait la synthèse des données disponibles pour l'aquaculture.
La stérilisation par
les U. V.
est aisée à mettre en oeuvre, mais reste réservée aux petits débits. Compte-tenu
des coûts d'investissement et fonctionnement (changement des lampes).
L'ozone utilisé pour les
coquillages, reste d'application limitée vu la sensibilité des poissons aux
résidus d'ozone (0,01 à 0,06 mg/1).
Le chlore est utilisé sur
l'eau d'apport. Une neutralisation au sulfite gazeux, facile à réaliser, évite
les problèmes de toxicité.
La réutilisation de
l'eau permet d'accroître les stocks en place, et de pratiquer en écloserie et
en élevage de juvéniles, le chauffage de l'eau dans des conditions
économiquement acceptables.
L'aération et le
traitement des eaux recyclées est généralement nécessaire.
Pour déterminer le
rendement des procédés du'il faut mettre en place, on se fixe un objectif de
concentration en bassin, le rendement nécessaire est obtenu par la formule
suivante:
avec W, quantité de
polluant déversé en gr/j (moyenne sur 24 h.)
Qo,
débit d'apport en m3/j
C,
objectif de concentration du polluant en bassin
Qp,
débit recirculé
Par ce calcul,
l'éleveur peut apprécier le matériel qui lui est proposé, par rapport à ses
besoins.
4. CONCLUSIONS
La Maîtrise de l'eau
en aquaculture suppose que l'on ait procédé à l'évaluation des flux d'oxygène
et de polluants, que l'eau va avoir en charge d'amener et d'évacuer de
l'élevage.
Un certain nombre de
matériels peuvent permettre d'apporter des solutions en cas d'insuffisance du
milieu naturel.
La connaissance des
capacités et des rendements du matériel permet d'établir un projet
d'aménagement.
Au cours de
l'élevage, les données économiques (coût de l'énergie), commerciales (date de
vente des produits), les méthodes de nourrissage, interfèreront avec la
maîtrise de l'eau pour concourir aux décisions. La gestion de l'ensemble amène
à prendre de nombreuses données, qui l'apparition de l'informatique peut aider
à traiter.